[Bande Engagée] Alexus le Ténébreux

Mordheim, Bas quartiers, fin d’après-midi

Lothaire, capitaine répurgateur, menait sa troupe d’un pas assuré. Il n‘avait rencontré aucune difficulté à recruter les hommes les plus pieux et les plus dévots pour sa croisade contre les hérétiques. Suite à la catastrophe de Mordheim, bon nombre d‘hommes était devenu fou, passant de leur tranquille petite vie citadine -ou paysanne, à la prédication d’une vision millénariste de la vie, voyant la fin du monde derrière chaque seconde, l‘ultime ouragan derrière chaque coup de vent. Leurs corps étaient couvert de mutilations expiatoires, leurs esprits égarés dans les méandres de la folie. D’autres avaient tout perdu avec le châtiment de Sigmar. Maison, femme, enfants. Une partie d’entre eux ne put se relever de cette épreuve. Ils erraient, hagards, divagant parmi les ruines de leur maison et de leur vie. L’autre moitié s’accrocha à la seule déduction, aussi logique que simpliste, qu‘il pouvaient encore émettre : c’est le mal qui avait causé leur perte, il devaient donc tout tenter pour le détruire.
Du pain béni pour les Répurgateurs, qui accueillaient tout ce petit monde de fanatiques dans leurs rangs, les galvanisant à coup de discours inquisitoriaux.
Sauf que aujourd’hui, Lothaire était quelque peu gêné par leur indiscipline chronique que même ses répurgateurs subordonnés n’arrivaient pas à contenir. Depuis maintenant une heure, il suivait une piste pouvant le mener à de possibles hérétiques. Alors qu’il faisait une halte avec le reste de la troupe, Lothaire aperçu au loin des lueurs fort peu naturelles. Arrivé en toute hâte sur le lieu supposé des luminescences, il vit immédiatement, par les traces laissées dans la rue, qu’elles étaient bien d’origine magique. Horreur et damnation! Il allait, lui et sa troupe, régler le compte des infâmes déments qui osaient utiliser la sorcellerie!
Depuis une heure, la troupe marchait, remontant d’indice en indice. Jusqu’à cette macabre découverte : la tête d’une sœur de Sigmar enfoncée au bout d’un pique. Sans trace du corps à ses côtés. Non pas que Lothaire fut attristé par le décès d’une de ces hérétiques. Mais elles et lui ayant les mêmes ennemis et la cruauté avec laquelle avait été mis en scène le maigre bout de cadavre avait de quoi lui inspirer les plus grandes craintes.
Il ne leurs fallu pas longtemps avant de renouer avec les découvertes morbides. Quelques centaines de mètres plus loin, un guerrier marienburger gisait au milieu d’un mare de sang. Nul besoin d’être légiste pour apercevoir le trou béant d’une quarantaine de centimètres dans son torse. Les viscères s’écoulant encore, sa mort était récente. Une légère fébrilité s’abatti sur les flagellants et les séides. Les regards de répurgateurs se cherchèrent. Ce meurtre était signé.
Chemin faisant, ils s’étaient sans s’en apercevoir approché de la Fosse. Le bruit, causé par la bande d’illuminés, les avaient sans doute fait repérer. Du statut de traqueurs, ils passaient à celui de traqués. Lothaire fit grouper ses hommes, hâter l’allure. Immobiles, ils étaient vulnérables.
Plus la route passait, plus les bâtiments étaient dévastés, se réduisant à un simple amas de pierres. L’odeur devenait nauséabonde. Un séide qui faisait office d’éclaireur fut la première de leur victimes. Alors que ce dernier venait de tourner derrière un mur, sa tête, sectionnée net à la base du coup, vola au milieu du groupe. Lothaire et ses répurgateurs dégénèrent leurs épées. Chacun, au fond de lui entama une prière pour Sigmar. On ne sort pas indemne d’un combat contre des Possédés, surtout sur leur territoire.
Un homme vêtu de noir et de rouge, la tête recouverte d’une cagoule à pointe, s’imposa au milieu du groupe de séides. Alors que ceux-ci tentaient de le frapper, il ne prononça qu’un mot, et ils s’écroulèrent. Au loin, d’hideuses créatures surgirent de derrière les murs. Les unes avaient trois bras, les autres une énorme pince à la place de la main. A côté, des mutants embrochaient les flagellants à l’aide d’une énorme queue de scorpion, monstrueux et mortels appendices.
Lothaire n’avait jamais vu d’aussi près ces créatures du Chaos. Il en avait aperçu furtivement, au cours de sanglantes batailles. Ces serviteurs du démon venaient semer la mort, au hasard, parmi les guerriers. Si mystérieusement ils laissaient parfois la vie sauve à quelque malheureux, ce n’était que pour l’enlever. Jamais l’otage ne revenait. On en retrouvait parfois, atrocement mutilés, crucifiés la tête en bas.
Le capitaine répurgateur savait que ses troupes n’étaient pas assez nombreuses pour détruire cette bande de suppôts du mal. C’était vaillamment qu’il vendrait sa vie. Il trucida bien quelques Initiés, avant de voir les répurgateurs tomber un à un sous les coups des hommes bêtes, et qu’un lourd choc sur son crâne lui fit perdre connaissance…




Mordheim, près de la Fosse, la nuit.

Lothaire ouvrit les yeux. Son crâne lui faisait mal. D’autant plus que le sang lui montait à la tête : il était accroché par les pieds à l’aide d’une corde, nu comme un vers. Il reconnu à quelques mètres de lui le magister, qui psalmodiait en une langue inconnue quelque prière ou litanie maléfique.

« Hérétique, adorateur du mal, tu ne mérites que de périr de par les flammes!
- Tu es assez mal placé pour une telle menace », lui répondit l’autre, s’interrompant dans ses incantations.
Des Initiés plaçaient alors brindilles et rondins de bois sous la tête suspendue de Lothaire. S’en apercevant, il dégluti difficilement.

« Mais arrêtez donc, bande de fous!
- Les Initiés ne répondent qu’au mal en attendant la damnation, lui rétorqua le magister.
- Mais qui êtes vous? Pour quels démons oeuvrez-vous?
- Je suis Alexus le Ténébreux, magister des Valets des Ombres. Nous donnons tout notre temps et notre énergie au Seigneur des Ombres, notre Maître adoré. Maintenant tais-toi.

La troupe de possédés se rassemblait autour d’un feu qui brûlait non loin de là. Les initiés se prosternaient devant deux Possédés qui poussaient des cris frénétiques. Ici et là des damnés se baladaient, toujours désorientés par l’expérience traumatisante que fut la possession démoniaque. Jamais ils ne s’en remettraient.
Deux hommes bêtes à tête de bouc s’approchèrent de Lothaire. Ils le frappèrent au ventre et à la tête, trouvant cette distraction fort à point. Crachant du sang, il les supplia d’arrêter.

« Il y a une solution très simple pour mettre fin à ta torture, lui dit le magister. Reçois l’Initiation aux secrets du Seigneur des Ombres. Elle te conduira peut-être à la damnation, et tu sauveras ta pauvre vie.
- Jamais, tas d’hérétiques!
-Dans ce cas… »

Deux Initiés mirent feu aux brindilles. Il se propagea rapidement aux rondins, transformant le tas de bois en bûché. Les flammes couraient le long des joues de Lothaire, et ses cheveux prirent aussi rapidement que des bouts de papier. Il soufrait bientôt d’atroces brûlures. Alors qu’au milieu des flammes, il criait toujours son amour de Sigmar, quelqu’un détacha la corde qui le maintenait et le jeta hors du feu.

« Reçois l’Initiation et tu sera sauvé »

Pleurant sa douleur, le capitaine répurgateur refusa de nouveau dans un long cri plaintif.
Saisi par des damnés, des Initiés le clouèrent sur une croix, qui fut relevée pour le placer de nouveau la tête en bas. Le magister s’approcha de lui et lui mit un bout de malepierre dans la bouche. Et alors, il vit ce qu’aucun humain n’avait jamais vu, il vit une partie des secrets, il aperçu le Seigneur Noir. Toute souffrance avait disparue, celle-ci devenait plaisir. Bouleversé par cette expérience, et après avoir avalé la malepierre, il dit d’une voix basse et assurée : « Je souhaite recevoir la damnation. ».
C’est ainsi que Lothaire perdit son beau nom pour ne devenir qu’un Initié parmi d’autres, un adorateur de démons, attendant qu’un jour son tour vienne enfin. Le vaillant capitaine répurgateur était devenu un disciple d’Alexus le Ténébreux, celui qui leur enseignait le savoir du Seigneur des Ombres.
Aujourd’hui, il vit toujours parmi ces âmes damnés et ces corps possédés. C’est un vaillant Initié tenant son rang dans la troupe des Valets des Ombres. Il a troqué son uniforme de Templier pour la tunique et la cagoule rouge sang.
Les rues de Mordheim leur appartiennent, même si on les voit jamais. Il arrive qu’on les croisent, au milieu des coups d’épées, qu’on les aperçoive du coin de l’œil alors qu’ils enlèvent leur proies apeurées. Et si certains les approchent, ils y laissent soit leur vie, soit leur âme.