Les rumeurs courent vite. Particulièrement dans les tripots où mauvais aventuriers, voleurs et autres bêtes curieuses viennent noyer leurs nuits. Quelques verres et les langues se délient. On joue à se faire peur, on rivalise d’histoires macabres et vicieuses. A Mordheim, les ivrognes auraient pu être de vrais concierges. Dans une autre vie.
Et ces derniers jours, les récits se concentrent autour d’un affrontement massif qui eu lieu au centre de la ville. Un de ceux qui marquent les esprits. Tout s’est déroulé près de la rivière, passage stratégique et point de convergence entre les deux parties de la ville. Sur place, des répurgateurs, missel sous le bras, recherchant quelque bête dégénérée à exterminer. Des orques et des gobelins, appâtés par les richesses potentielles du lieu. Des skavens sans foi ni loi, et une bande de possédés.
C’était une nuit comme on ne les aime guère. Sombre, froide. Avec pour ne rien arranger un brouillard à couper au couteau. On n’y voyait pas à deux mètres.
Bien vite, petits et grands hommes verts trouvent leur compte, et s’allient. Dans la purée de pois, les répurgateurs s’avancent et lancent leurs chiens sur les routes défoncées. Sûrs d’eux-mêmes par la grâce de leur dieu bienfaiteur. Ils amassent avidement la malpierre.
Soudain, dans leur course frénétique aux richesses, une bête. En haut d’une vielle tour miraculeusement intacte, un monstre à la peau rose-vif s’avance, le long du mur. Un possédé.
« Maudite créature », meuglent-ils.
Un sentiment d’écoeurement de courte durée. Le chef répurgateur, apeuré par les hordes du quartier, décide de tenter une alliance avec eux. Ses ennemis jurés. Fort de son idée, il s’avance, et pense bien renier toute la foi qu'il a dans le Bien, pourvu qu'il arrive à sauver sa peau. Peut-être se sent-il en sécurité, avec tous ses guerriers à l’abri des murs en ruines, prêts à surgir. Les Valets des ombres, puisque c’est ainsi que se nomme cette bande de possédés, eux, franchissent le pont qui les sépare du chef inconstant, heureux de cette rpoie qui s'offre si gentillement à eux. Et s’abattent sur lui.
Le malheureux, dans un geste de désespoir, abat de deux coup de feu un possédé. Lequel s’écroule, mort. Le chef le rejoint, agonisant, après un coup de lame d’homme bête.
Les répurgateurs affolés de la perte de leur guide, fondent comme un seul homme sur les possédés. Mais rien à faire. Ils sont tous mis à terre, l’un après l’autre par leurs puissants adversaires. Sur une quinzaine, il n’en reste plus que trois debout. Car il faut dire que les skavens de leur côté se sont activés, en en mettant deux hors de combat.
Peine perdue pour eux. Les rats sont attaqués par des gobelins en furie. L’attaque est un carnage des deux côtés, conduisant les armées à la déroute. Les répurgateurs, morts de trouille, s’enfuient à leur tour.
Les Valets des ombres, heureux d’avoir laminé leurs dévots ennemis, s’en retournent aux ruelles sombres, taquinés par un ogre envoyé par les gobelins.
Ainsi s’achève le récit d’une défaite du Bien sur le Mal. Semblable à beaucoup d’autres, mais qui a pour mérite d’être le dernier en date. Jusqu’à la prochaine.
Au repère des Valets, c’est jour de fête. Encore une extermination de répurgateurs ! Et cette fois, en prime, les initiés au Culte du Mal ont ramené une prise de choix : le chef répurgateur. Ligoté tel un saucisson par des cordages, celui-ci gémit, implore la clémence, demande avec attendrissement à voir sa maman. Franche rigolade chez les ravisseurs.
Le prisonnier, attaché par les pieds, est suspendu au dessus d’un feu. Sa chaire rougie, ses poils crépitent. Il hurle. Alexus le Ténébreux, magister, s’avance vers lui, et commence à psalmodier en un langage inconnu quelque litanie infernale.
« Rejoint nous », ordonne-t-il à l’homme devant lui, qui ne sera bientôt qu’une torche.
L’autre refuse.
Le magister lui glisse alors un morceau de malpierre dans la bouche, l’acte ultime, le sacrifice.
Le cadavre du chef répurgateur fut ensuite détaché. Dans les jours qui suivirent, sa peau devint bleue, son corps gonfla horriblement. Sa main se changea en pince, et une queue de scorpion lui poussa. Celui qui devait être mort ne l’était point. Ou plutôt, ne l’était plus. Sa nouvelle vie commençait. Celle d’un possédé.