Une lumière aveuglante… une déflagration assourdissante…
puis rien…
le néant…
L’édifice devant lequel Capeluche devisait avec le prêtre n’était plus,
emporté par le tumulte des événements.
« Tancrède… »Dans la confusion, il en avait presque oublié son mentor.
Il tâtonna autour de lui de ses doigts gours et endoloris,
prenant conscience seulement maintenant de la douleur lancinante qui lui vrillait les yeux.
Portant ses mains au visage,
il se rendit compte qu’une nuit sans lune n’était pas la cause de l’obscurité régnante au milieu des décombres du temple,
mais que ses yeux lui faisaient défaut.
Aveugle, Capeluche était aveugle dorénavant…
Un sentiment de faiblesse l’envahissait, il chercha instinctivement le contact de sa hache du bout des doigts.
C’est à ce moment précis qu’une main frêle vint effleurée son visage meurtri.
« Capeluche… mon fils… »Malgré la voie tremblotante emplie de souffrance du prêtre, Capeluche le reconnu aussitôt.
« Maître… »La main posée sur sa joue était poisseuse d’un liquide épais dont l’odeur caractéristique au nez du bourreau
lui fit s’enquérir auprès de Tancrède de son état.
« Maître ?»Mais Tancrède ne laissa pas le temps à Capeluche de finir sa phrase.
« Il est temps… »Puis levant sa main, le prêtre baffa Capeluche de ses dernières forces,
et dans un dernier soupir exclama :
« Bourreau, fait ton office… »Capeluche aurait voulu laisser couler des larmes en souvenir de son mentor,
mais ses yeux, brulés, le lui interdisaient.
S’affalant de tout son las sur les pierres éparses des ruines qui avait été un fier temple à la gloire de Sigmar,
il sentit prés de sa main gauche le réconfortant manche en bois de sa hache. Il décida de s’en saisir afin de s’aider à se relever.
Fouillant à sa ceinture, il dénoua le linge noir qui y était accroché.
« Bourreau, fait ton office… »Les dernières paroles de Tancrède résonnaient en lui comme un écho à ses propres doutes.
Machinalement, Capeluche dépoussiéra sa cagoule d’un coup sec sur les mailles d’acier
qui protégeaient le haut de ses cuisses, puis l’enfila.
Dans l’instant, la douleur qui envahissait son crâne lui parut plus supportable.
Reprenant la mesure de son souffle, lentement, commença à se dessiner des formes grisâtres dans un premier temps,
puis de plus en plus précises;
Regardant alentour, un monde tout en nuance de gris lui apparaissait clairement maintenant.
Le bourreau s’accroupi au dessus du corps de Tancrède, puis d’un geste délicat lui ferma les paupières.
Tout en récitant une prière à Sigmar pour accompagner l’âme de son mentor.
Capeluche remercia la clairvoyance
et la sagesse du vieil homme.
Cette étoffe qui lui permettait aujourd’hui de voir bien qu’étant aveugle avait été confectionné par les Sœurs du Rocher
afin de distinguer l’âme innocente du damné en ces temps de troubles.
« Bourreau, fait ton office… »Levant les yeux sur un ciel blafard, Capeluche put voir converger en un lieu qu’il situait vers l’Ouest de Mordheim,
nombre d’âmes du noir le plus profond… des âmes Damnées.
« Bourreau, fait ton office… »Le bourreau se releva. Sa carrure impressionnante de demi-ogre peignit d’une ombre longiligne les pavés de la citée.
La hache qui lui servait jusqu’alors d’appui fut posée nonchalamment sur son épaule.
Capeluche comprit.
Il posa un premier pas, inspirant une bouffée d’un air vicié et corrompu.
« Il est temps… »Puis un second.
Maintenant il marchait, prenant lentement mais sûrement la direction que les âmes lui indiquaient.
« Bourreau, fait ton office… »